dimanche 20 mars 2016

Le Centre-Dieu



Dieu se goûte dans le fond de l'âme :

"C'est dans le fond de l'âme et outre elle-même [au-delà d'elle-même] où l'âme trouve, goûte et possède Dieu dans Dieu, et en la façon immense et divine de posséder et d'être possédé divinement. C'est là en ce fond, où l'âme s'y dissout d'elle-même et s'y résout toute en Dieu, et s'y divinise et y participe de la divinité plus noblement, plus hautement et plus excellemment les divines perfections de ce centre divin,de ce Centre-Dieu. 
Et de la suit nécessairement que notre âme se retirant davantage de la circonférence du dehors de ses sens à son centre intérieur et de son centre à Dieu, plus aussi elle s'y épure, elle s'y élève, elle s'y dilate et s'y anoblit par communication d'amour. Et ainsi elle y participe, goûte et savoure Dieu et ses divines perfections, d'autant plus qu'elles s'y approche intérieurement de lui, Centre de tous les centres."

Jean Aumont, L'Ouverture intérieure, 1660, p. 465

dimanche 13 mars 2016

Transformée en Dieu



Le but de la vie intérieure chrétienne et le même que celui de la sagesse des Anciens : devenir Dieu. L'enseignement des mystiques chrétiens reprend celui des mystiques platoniciens, emploie son vocabulaire et ses expressions. 

Ceci est évident dans ces deux passages où Maur de l'Enfant-Jésus, un Carme du Grand Siècle, décrit l'état de perfection auquel on peut parvenir en cette vie :

"C'est ici où l'âme achève sa course, et qu'elle se repose dans la jouissance de sa fin, autant qu'on le peut en cette vie mortelle [expression typiquement hellénique], et qu'il n'y a plus rien à faire pour elle. il semble qu'il n'y a [alors] plus rien à dire pour nous. 
Car elle st toute transformée en Dieu, et sa volonté et toutes ses puissances lui sont tellement assujetties, et si parfaitement gouvernées par son Divin Esprit qu'on peut dire que véritablement c'est Dieu qui fait tout là-dedans, et que la créature est comme la main d'un enfant qui apprend à écrire, et qui n'a presque aucun mouvement que celui qu'elle reçoit de la main du maître. 
Ou bien elle est comme une eau fort belle et fort claire, sur laquelle le soleil darde très vivement ses rayons, et imprime si parfaitement en elle son image qu'on dirait que le soleil est véritablement en elle. Et de fait elle reluit de sa lumière, qui éblouit aussi bien les yeux comme si on regardait le corps du soleil."

Maur, Montée spirituelle, 8ème et ultime degré

Dans une autre description de la vie intérieure, Maur commence par ce même degré, le plus haut :

"Celui qui est, qui vit, qui aime, qui combat, qui meurt est infiniment éloigné de ce qui n'est point encore en notre façon de concevoir, et qui en vérité est par-dessus toute essence, toute vie, tout amour, par-dessus la guerre ou la paix, la mort où la vie."

Ce qui revient à dire que la vie intérieure est faite de cycles de morts (vides) et de renaissances (plénitude), mais que ces états opposés tendent à se fondre en un état ineffable. Maur chante ainsi cette condition qui dépasse l'entendement :

"Ô que la créature est heureuse qui peut entrer dans cet abîme divin, où étant parvenue au bout de tous ses plus généreux efforts, elle se perd enfin soi-même, elle se noie dans cette mer immense et se laisse engloutir à la vie et à l'action de Dieu même, pour ne jamais plus vivre à soi-même ni pour soi, mais étant devenue toute divine, n'être plus sujette ni au temps ni au changement, sans penser à n'être ni à n'être pas, ni à mourir ni à ne mourir pas, mais sans distinction d'aucune chose créée, se laisser agir et mouvoir du principe infini qui occupe toutes ses puissances si pleinement qu'il lui est presque impossible de vouloir, désirer ni goûter autre chose que Dieu infini, qui la ravit si fort hors d'elle-même en lui qu'on peut dire qu'elle n'est qu'une avec Dieu et que son action est l'action de Dieu même, qui vit en elle sans distinction ni dissemblance, en elle sans vue de créé et d'incréé, de fini ou infini !"

Maur, Communications divines, I

dimanche 6 mars 2016

L'état fixe



La vie intérieure comprend, en gros, trois étapes : d'abord une touche de grâce, un éveil à l'amour divin, un aperçu d'une autre vie possible. Puis le vide, le dénuement, la sécheresse, où l'âme se sent seule, abandonnée entre sa vie d'avant, et la vie divine. Enfin, un état de plénitude, de consommation, un état fixe.

Mais permanent ne veut pas dire dépourvu de hauts et de bas. Le Carme Maur, un maître spirituel du XVIIème siècle, explique en quel sens cet état est fixe, et en quel sens il ne l'est pas :

"Quoique la vie de cet état [fixe] soit exempte de changement, à moins d'une infidélité bien notable surtout à l'égard de ce qui peut arriver du dehors, et immuable dans le fond de l'esprit même pour ce qui regarde l'intérieur et tout ce qui se passe au-dedans, il est pourtant vrai que les âmes ne sont pas ici exemptes de vicissitudes et changements de constitution, non pas comme j'ai dit qu'elle soient changées ou altérées en leur fond, mais je veux dire qu'elles ne sont pas toujours ici dans la jouissance ni dans la privation, Dieu le faisant ainsi pour les affermir et consommer de plus en plus en lui, tantôt se communiquant à elles dans une telle abondance qu'il semble que tous les trésors du Paradis et tous ses délices soient débordés sur elle, tantôt retirant tellement sa présence sensible de toutes leurs puissances qu'il semble qu'elles n'aient jamais mérité la moindre de ses caresses."

Mais à présent, l'âme "dans son simple fond, a toujours la même jouissance essentielle" de Dieu. Ce qui veut dire que dans le centre de soi, on est toujours en Dieu, car on a reconnu qu'en vérité, ce centre de soi est Dieu. Par contre, le corps et l'âme participent plus ou moins à cette union, selon les circonstances. Il y a là des degrés infinis de progrès possible. Et, comme nous sommes doués de libre-arbitre, nous pouvons toujours régresser.

Extrait du Sanctuaire de la divine sapience de Maur de l'Enfant-Jésus, p. 129

Se tenir ferme en notre néant

Tout notre être est Dieu. Et donc, dans la conscience de cette dépendance totale,  il n'y a pas à se soucier des dons ou de leur a...